« Pour confirmer mon choix, j’ai préféré débuter par un stage de 6 semaines dans une ferme du Cotentin»

 

Le stage court non rémunéré est un dispositif qui permet à des porteurs de projet de vivre une expérience professionnelle sur une ferme pendant maximum 40 jours. Le Réseau des CIVAM Normands est habilité comme d’autres organismes à réaliser des conventions de stage. Témoignage de Clémence Martin, actuellement stagiaire chez Roland SALLE, berger à la pointe d’Agon.

« Je m’appelle Clémence Martin, j’ai 31 ans et je suis maman d’un petit garçon de 2 ans. Actuellement, je réalise un stage de 6 semaines au « GAEC du Phare ».

De mon côté, j’ai plutôt grandi les pieds dans la mer que les pieds dans la terre. En effet, mes parents étaient ostréiculteurs à Blainville-sur-Mer. Bien qu’ils aient eu un tout petit cheptel, ils préféraient manier les poches à huîtres plutôt que de s’occuper des brebis.

Pour ma part, je n’ai pas repris l’entreprise familiale ostréicole. Je suis psychologue clinicienne depuis 8 ans, entre la Normandie et les Yvelines, au sein d’une structure associative qui accompagne les femmes victimes de toutes sortes de violences.

Un peu fatiguée par la difficulté de mon travail, j’ai souhaité m’orienter vers une formation où j’allais apprendre un métier différent, avec la volonté de sortir un peu de mon bureau.

Mon conjoint, qui a été berger dans les Pyrénées pendant quelque temps, m’a souvent parlé de son aventure, seul dans la montagne avec ses brebis et son chien. Cela m’a poussée à m’intéresser à ce métier. Et c’est ainsi que je me suis tournée vers le monde agricole ovin.

En me renseignant, j’ai trouvé une formation près de chez moi, à Coutances : le BPREA, qui correspondait à mes attentes. Mais pour confirmer mon choix, j’ai préféré débuter par un stage de 6 semaines dans une ferme du Cotentin. Grâce au CIVAM, j’ai pu bénéficier de cette opportunité. C’est tout naturellement que j’ai demandé à Roland Salle (berger à la pointe d’Agon, près de chez moi), et ami de ma belle-famille, de me faire découvrir son métier, avec la particularité d’être éleveur d’agneaux AOP pré-salé du Mont-Saint-Michel.

Une journée type à la ferme chez Roland ne commence jamais sans un bon café chez sa mère, Monique, qui habite non loin de la bergerie. Roland, quant à lui, est déjà passé aux aurores à la ferme pour s’assurer que tout va bien (la période de l’agnelage démarre prochainement, il devient donc particulièrement vigilant).

Sa ferme est située à l’entrée du havre de la pointe d’Agon, où les brebis et les agneaux peuvent profiter d’une cantine salée et illimitée pour s’engraisser, tantôt à l’herbu, tantôt dans les dunes, selon la météo et les marées. L’agneau AOP pré-salé du Mont Saint Michel doit en effet passer un minimum de 90 jours par an au marais. Comme le temps est au beau fixe ce mois de janvier, Roland en profite pour y envoyer les brebis le plus souvent possible. Nous partons donc les sortir au marais en respectant scrupuleusement les horaires, car ici, la mer monte !

En ce moment, une journée à la ferme est rythmée par la préparation de la bergerie, afin d’optimiser la période d’agnelage qui approche à grands pas. Nous remettons en état les mangeoires, bricolons les « claies » qui serviront de boxes pour les agneaux à leur naissance, afin d’éviter qu’ils se mélangent. Nous nettoyons aussi la bergerie en changeant la litière avec une paille toute fraîche.

Durant ce stage, je m’essaie également à manier le valet, un petit tracteur qui aide beaucoup Roland à soulager son dos. Je découvre aussi comment vermifuger le cheptel pour les protéger des parasites et des maladies.

Cependant, ces missions logistiques sont entrecoupées par des vérifications régulières du troupeau, deux à trois fois par jour. Nous partons dans le marais pour nous assurer que les brebis ne se sont pas trop éloignées ou qu’elles n’ont pas été dérangées par un chien… Ce sont en moyenne 10 kilomètres que nous parcourons quotidiennement.

En fin de journée, nous revenons chercher les brebis à l’herbu pour les rentrer au chaud dans la bergerie. Pour les ramener, il faut donner de la voix : « MUSSE ! (maison en patois normand) Allez, hop ! », un signal leur indiquant qu’il est temps de rentrer. Mais certaines têtues préfèrent encore profiter de la glinette fraîche que leur offre le marais. C’est alors que « Panthère », le border collie de Roland, entre en action pour ramener tout le monde au bercail.

Le soir, nous effectuons un tri entre les agneaux et les brebis, pour envoyer les agneaux plus âgés dans les dunes, ce qui simplifie la gestion au moment de l’agnelage. Les brebis en gestation restent ainsi dans la bergerie, ce qui permet d’y voir plus clair.

Au fil de ce stage, je réalise l’énorme responsabilité qui repose sur les épaules de Roland, père de 250 brebis. Travailler avec le vivant n’est pas chose facile. C’est un bonheur de partager ce stage avec ce berger, d’observer le respect qu’il porte à ses bêtes. J’ai également beaucoup de chance, car Roland se montre très pédagogue, passionné et patient avec moi tout au long de mon apprentissage. »

Clémence MARTIN, stagiaire